Famille
03/02/2005
Alerte sur l'ortaugraf !
"On ne peut vraiment rien trouver de plus délicieux, de plus retiré que ce petit village perdu au milieu des roches..." Bucolique ? Non, terrifiant. Testés en dictée sur ce petit texte d'une dizaine de lignes extrait des "contes du lundi" d'Alphonse Daudet, dont voilà le début, plus d'un élève de seconde sur deux obtient zéro. C'est le constat affligeant de l'association "Sauver les lettres", qui a organisé cette évaluation avec quelque 2 300 élèves de seconde. Le texte était pourtant raisonnable (il s'agissait d'une dictée donnée au brevet des collèges en 1988) et le barème correct : moins deux points pour les fautes d'accord, moins un point pour les fautes d'orthographe lexicale, moins un-demi point pour les fautes d'accent. Et pourtant, plus de 82 % des élèves n'ont pas obtenu la moyenne, sans parler des 56 % au zéro pointé. "Nos résultats signifient qu'un élève de seconde sur trois, en France, est incapable d'écrire sans faire moins de deux fautes par ligne", constate le collectif, désabusé. Plus inquiétant encore dans cette dégringolade orthographique : le collectif avait déjà fait faire la même dictée, toujours à des élèves de seconde, en 2000. Et ils n'étaient alors "que" 29 % à obtenir zéro, soit deux fois moins. De là à craindre le pire pour les années à venir, il n'y a qu'un pas... que "Sauver les lettres" franchit en prédisant que la maîtrise de la langue française, contrairement à l'égalité des chances prônée par l'école, va redevenir un privilège, et le signe d'une classe dominante. Les coupables ? Le collectif en dénonce trois. D'une part, la diminution constante des horaires de français au collège et au lycée. Ensuite, le glissement de l'enseignement de la grammaire, devenue de plus en plus abstraite - on ne parle plus de temps mais de "valeurs temporelles", par exemple. Enfin, la nouvelle organisation du travail mise en place à partir de 1995 : les professeurs ne doivent plus faire de cours distincts pour l'orthographe, la grammaire et l'étude de texte, mais tout aborder ensemble au cours de "séquences". Et le collectif de conclure : "L'orthographe sinistrée est donc un symptôme - en même temps qu'un dommage collatéral de tout le décervelage dont ont été victimes la plupart des disciplines." Point à la ligne.
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