Beauté
02/03/2005
"On ne peut absolument pas prévoir quel produit va devenir mythique"
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Journaliste spécialisée dans la beauté et auteur, Christine Drouard décrypte pour nous la "success story" des produits devenus cultes. |
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Quelle est votre définition d'un produit de beauté mythique ?
Christine Drouard C'est un produit qui existe depuis très longtemps, plus de vingt ans en général. Mais ce n'est pas seulement une question d'âge, la qualité intervient également. Si un cosmétique perdure depuis plus de cinquante ans, c'est souvent parce qu'il est mieux que les autres. Les best-sellers sont des produits basiques, inventés à l'époque où les procédés chimiques étaient peu développés. Ce sont généralement des produits naturels, qui par conséquent ne provoquent pas d'allergie. Les consommateurs apprécient ces cosmétiques simples et bio quelle que soit l'époque.
L'image marketing du produit entre-t-elle en jeu ?
La plupart du temps, les produits cultes ne font pas de publicité, exception faite du N°5 de Chanel qui fait régulièrement l'objet de grandes campagnes publicitaires. Un produit mythique s'est fait connaître par le bouche à oreille. C'est un peu comme ces recettes de cuisine que l'on se transmet de mère en fille. Le marketing publicitaire intervient en revanche sur la gamme issue du produit mythique à l'origine de la marque. Par exemple, on voit peu de pub pour la crème Nivéa elle-même, tandis que le maquillage ou les déodorants Nivéa sont très médiatisés.
Quel est le rôle du prix ?
Un produit mythique est souvent bon marché. Plus qu'un facteur, c'est une conséquence. Une partie du prix d'un cosmétique finance la recherche. Comme les best-sellers sont anciens, le coût de la recherche est amorti depuis longtemps. Et souvent, il n'y a pas de recherche supplémentaire sur ce produit car il plaît aux consommateurs tel qu'il est. Ce qui explique son faible coût.
Une star peut-elle à elle seule mythifier un cosmétique ?
Une star qui déclare utiliser un article de beauté peut momentanément attirer vers ce produit des femmes qui souhaitent lui ressembler. Mais le phénomène est de courte durée. La crème de 8 heures d' Elizabeth Arden bénéficie d'une très bonne réputation auprès des actrices, mais l'impact est négligeable sur les consommatrices. Le fameux N°5 de Chanel vient à nouveau contredire la règle, puisque Marilyn Monroe a fortement contribué à son succès.
Et un produit culte est-il forcément leader sur le marché ?
Non. Les femmes sont très attirées par les nouveautés. Elles attendent toujours le produit miracle qui gommera les rides ou les imperfections. Elles font donc souvent des infidélités aux valeurs sûres, dans l'espoir de trouver mieux. Malgré tout, encore une fois, Chanel fait exception, puisque la marque est leader sur le marché des parfums avec son N°5.
Peut-on savoir, dès sa création, si un produit va être mythique ?
Non, on ne peut absolument pas le prévoir. De nombreux produits connaissent un succès immédiat avant de tomber dans l'oubli. Le succès vient progressivement. C'est le cas de la crème Nivéa. Qui aurait pu lui prédire un tel avenir ? Au départ, elle n'était pas très connue. Mais au fil des années, sa réputation a grandi, son marché s'est développé...
Ces produits références sont-ils menacés par l'arrivée de nouveaux produits, toujours plus performants ?
Les chiffres de vente de ces cosmétiques innovants sont bien sûr supérieurs à ceux des valeurs sûres. Mais de là à constituer une menace... Au contraire, l'heure est à la nostalgie, et on observe un important retour aux valeurs sûres, aux produits d'antan. L'emballage des savons Cadum a récemment repris l'image originelle du bébé cadum. Ce côté rétro et authentique plaît aux consommateurs, et les produits mythiques ont encore de beaux jours devant eux. Mais parmi ces nouveaux cosmétiques, il existe bien entendu de futurs produits mythiques, qui remplaceront les actuels. Les moins bons vont disparaître, c'est l'ordre naturel des choses.
Existe-t-il aussi des produits cultes pour les hommes ?
Il est encore trop tôt pour le dire car la cosmétique masculine est un phénomène récent. Il y a 20 ans, il existait peu de produits de beauté masculins. Je ne vois qu'une seule valeur sûre parmi les soins quotidiens des hommes : le shampooing Pétrole Hahn. Mais avec cette nouvelle vague de cosmétiques, la liste va certainement s'allonger. Il faut juste attendre d'avoir le recul nécessaire.
Comment vous est venue l'idée d'écrire ce livre ?
Quand je travaillais pour le magazine "Femme actuelle", j'étais en charge des sujets "forme" et "beauté". Dans ma double page, je parlais chaque semaine de trois nouveautés cosmétiques. Je cherchais d'autres idées lorsque j'ai pensé à mon mari. Il critique tout le temps les "cochonneries" (à savoir les nouveautés) qui s'entassent dans les tiroirs de mon bureau, alors qu'il est fidèle depuis toujours à deux produits : la crème Nivéa et le shampooing Pétrole Hahn. Nous avons donc décidé avec la rédactrice en chef de créer une rubrique "Valeur sûre". Tous les 15 jours, je parlais d'un produit mythique. Je pensais épuiser rapidement le sujet, mais au bout d'un an, il restait encore un bon nombre de best-sellers dont je n'avais pas parlé. Lorsque j'ai atteint les 100, j'ai eu envie de réunir ces produits au sein d'un livre. Aujourd'hui encore il m'arrive de penser à des références qui m'ont échappé et je regrette souvent de ne pas les avoir citées.
Finalement, pour vous, quels sont les trois produits mythiques ?
J'aime beaucoup le N°5 de Chanel. Ma mère le portait, et je le porte aussi aujourd'hui. Ce n'est pas un parfum générationnel, mais intemporel, universel. Mon deuxième produit mythique serait la poudre de Caron. Elle est légère, aérienne. Et elle est présentée dans un ravissant petit pot argenté, qui fait très bien sur une coiffeuse. C'est un véritable bijou. J'utilise également au quotidien les savons Roger et Gallet car ils sont vraiment doux et sentent très bons. Comme dans le temps, je préfère les savonnettes aux gels de douche actuels.
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