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Comment vous êtes-vous préparée ?
Des sorties en mer pour essayer le bateau, beaucoup de sport, mais surtout du mental. J'ai préparé mon projet toute seule de A à Z, en cherchant les sponsors, les partenariats, en faisant construire mon bateau, en travaillant pour avoir mon salaire…
Quels sont vos souvenirs les plus forts ?
Le souvenir le plus merveilleux, c'est ma rencontre avec les baleines. Des monstres noirs majestueux, effrayants mais aussi presque complices. Les pires souvenirs, ce sont bien sûr les tempêtes, et principalement l'horrible dépression qui a duré 4 jours, avec des vents à 50 nœuds. J'ai chaviré 17 fois dans la même nuit. J'ai vraiment eu peur de la mort. Je pensais que j'avais 25 ans, que je voulais faire plein de bébés, que c'était révoltant de mourir là.
Cela vous a marquée ?
Quand vous avez vu la vie vous échapper et que vous la retrouvez, vous la ressentez puissance 10. Le retour sur terre est fabuleux parce qu'on apprécie dix fois plus toutes les petites choses auxquelles on ne faisait plus attention : le contact avec les autres, quand on a été seule pendant quatre mois, manger une pomme et pas des trucs en poudre, dormir dans un lit sec quand on a connu le duvet trempé… Aujourd'hui, j'ai l'impression d'être un peu plus heureuse chaque jour qui passe. A l'arrivée, j'ai dit que mon sang pétillait comme du champagne. Et j'ai l'impression que ça continue. Aujourd'hui, lorsqu'il m'arrive d'être de mauvaise humeur, il me suffit de me souvenir de ce moment où j'ai promis d'être la plus gentille fille au monde si jamais je sortais vivante de cette tempête, pour me donner du courage.
Au quotidien, qu'est-ce qui était le plus dur ?
On dort très mal, par tranches d'un quart d'heure, on est continuellement angoissé par les cargos qui peuvent vous couper en deux, il faut rationner l'eau en permanence - un moment, mon dessalinisateur est tombé en panne et je n'en ai même plus eu du tout, j'ai dû boire alternativement de l'eau de mer et mon urine… Mais une des principales difficultés au quotidien a été la solitude. Ne pouvoir partager avec personne ni les moments de bonheur extraordinaire, ni la souffrance, la peur… Si j'ai bien appris quelque chose en mer, c'est que l'homme est vraiment un être social. Seul, on se transforme en animal. Dans les tempêtes qui me cassaient les côtes, j'avais parfois envie de me recroqueviller, de me laisser mourir là. Donc il faut se faire violence. Je parlais toute seule, je me forçais à tenir un journal de bord, à communiquer avec la terre. Même si parfois, c'était encore plus pénible de parler avec mes proches que de ne pas les entendre, tant leur vie quotidienne était en totale opposition avec ce que je subissais.
Etre une femme, cela faisait une différence ?
En tant que femme, on accorde plus d'importance à son apparence physique. C'était dur de ne pas se laver, d'avoir le visage qui pèle et les cheveux collés par le sel… Je n'osais même plus me regarder, tellement je me sentais laide. C'est parfois ce genre de choses ridicules qui peut donner envie de tout abandonner. Même si l'on ne croise aucun regard, je pense qu'on a besoin de se sentir soi-même pour avancer. C'est pour ça que je me forçais à me laver même si je gelais, que j'essayais de changer de t-shirt pour ne pas sentir trop mauvais… Au retour, ça a été un bonheur sans nom de prendre un douche chaude, de remettre mes sous-vêtements en dentelle, de me redécouvrir en tant que femme dans mon miroir.
Pourquoi avoir raconté votre expérience dans un livre ?
C'était une thérapie, j'avais envie de recracher mes moments de souffrance pour ne plus en faire des cauchemars. Il m'est arrivé d'être en larmes devant mon clavier en revivant certaines émotions. Par ailleurs, je voulais faire partager cette expérience aux gens, notamment à ceux qui m'avaient soutenue via mon site Internet.
Qu'êtes-vous devenue après votre retour sur terre ?
Je continue à travailler à mi-temps dans mon agence immobilière. Je donne beaucoup de conférences dans les écoles pour parler aux enfants de la protection de l'environnement. Et je m'occupe de mon association, "Jeunes marins briards", qui fait naviguer des jeunes des quartiers sur une yole de Bantry. Sur ce bateau traditionnel à voile et à aviron, ils font des régates dans le monde entier. Ce faisant, ils découvrent d'autres cultures, ainsi que les qualités inhérentes à l'aviron : le courage, la persévérance, la solidarité. Leur prochain rendez-vous : le défi jeunes marins, en juillet 2004 à Toulon.
Vous vous êtes aussi engagée en politique, en participant à la campagne des régionales sur la liste de Jean-François Copé… Pourquoi ?
Je ne vois pas la politique comme une lutte éternelle entre la gauche et la droite, mais plutôt comme une volonté de faire bouger les choses dans la cité, chacun dans son domaine. Jean-François Copé est maire de Meaux, où j'habite. Je l'apprécie car je le trouve enthousiaste et travailleur. Il a aidé à faire bouger la région du point de vue de la jeunesse et du sport, un domaine dans lequel je m'impliquais aussi de mon côté. C'est pourquoi j'ai accepté de lui donner un coup de main. J'ai trouvé ça très enrichissant. Mais je n'ai pas l'intention de me lancer dans une carrière politique.
Des projets ?
Je repars au mois de janvier 2005, pour une traversée du Pacifique à la rame. Ce sera également une première féminine. Je vais partir de Lima, au Pérou, avec le même bateau, pour une arrivée environ cinq mois plus tard en Polynésie, 8 000 kilomètres plus loin…
Pourquoi repartir ?
Pour l'aventure. Pour revivre cette magie au quotidien de la liberté, des soleils couchants, des baleines… Le Pacifique, c'est un océan mythique. Et puis, comme j'ai envie de faire plein de bébés, je pense qu'il faut que je réalise ce rêve d'abord. Lorsque j'aurai une famille, je ne pourrai plus partir dans des aventures aussi périlleuses et aussi longues. Mais attention, ce n'est pas non plus que j'ai l'insouciance de la jeunesse ! Mes projets sont extrêmement bien préparés. Reste les sponsors. Pour l'instant, je n'en ai pas… Mais quoi qu'il en soit, je suis déterminée à prendre la mer.
Le site de Maud Fontenoy, où l'on pourra suivre sa traversée du Pacifique en direct début 2005 : http://maudfontenoy.free.fr