|
EN SAVOIR PLUS |
|
|
|
|
|
Vous venez de publier votre premier ouvrage, un conte fantastique baptisé
"Eneco". Quelle est la part d'autobiographie dans cette oeuvre ?
Jean-Charles de Castelbajac : L'écriture d'Eneco était
une étape très importante pour moi. Le livre a été
décrit comme un conte autobiographique par mon éditeur mais
pour moi, il a surtout été l'occasion de transcender mon imaginaire.
Je voulais faire ce bouquin pour une génération qui n'arrive
pas à aller au bout de ses rêves, en quête de modèle.
Je voulais lui montrer qu'à l'image d'Eneco, le rêve relève
toujours du possible. Il y a évidemment des points communs, indispensables
à l'écriture, entre Eneco et moi : Eneco évolue dans
l'univers déjanté qui habitait mes rêves, il est entouré
de femmes, pour lesquelles il éprouve une réelle fascination,
etc.
Vous avez également illustré Eneco. Etait-ce pour vous aussi
important que l'écriture ?
Non, à l'origine, je ne voulais pas l'illustrer. Puis un jour,
un copain écrivain m'a demandé de dessiner le personnage d'Eneco,
de dévoiler son univers. Je l'ai fait, puis j'ai croqué Spad,
son chien aveugle et j'ai fini par me dire qu'il serait bien d'illustrer le
livre intégralement. J'ai toujours fait des croquis, j'adore les images,
de la bande dessinée à la tapisserie de Bayeux. Seul Tintin
me pose problème : il ne tombe jamais amoureux. Or, je trouve que toute
histoire doit être bercée de romantisme et de sensualité.
|
EN SAVOIR PLUS |
|
||
|
|
|
Vous avez été à la une avec une retrospective londonienne
"Popaganda". Vous vous êtes fait un nom en détournant
les matières...
J'ai commencé à recycler les matières dès
l'enfance, sans doute pour sublimer les choses humbles, faire un manifeste
à partir de quelque chose d'anodin. J'ai reçu une éducation
très stricte, mes permiers actes de création sont donc passés
par la récupération, le détournement.
Quand j'en suis venu à la mode, la récupération m'est
venue naturellement. J'ai toujours été attiré par les
vêtements qui avaient une histoire, de travailleurs : la blouse du coiffeur
qui nous coupait les cheveux en pension militaire, le vêtement de boucher,
etc. Ils avaient quelque chose d'authentique qui se prêtait bien au
processus de réinvention.
Mais pourquoi opter pour la récupération plutôt que
créer à partir de matières nobles par exemple ?
Au début des années 80, les salons spécialisés
étaient très en vogue. L'on s'y rendait pour choisir les matières
qu'on utiliserait pour sa collection. Cette démarche ne m'intéressait
pas. Je me retrouvais plus dans les premières oeuvres d'Arte Povera
(ndlr : un mouvement artistique basant la création sur des matières
dites "pauvres" telles le bois, le vêtement usé, etc.).
Dès 1982, la tendance a été à l'unicité.
C'est à cette époque que j'ai travaillé le camouflage,
pour créer des modèles toujours uniques.
Vos créations ont toujours été bercées dans
un univers enfantin...
J'ai toujours suivi le précepte de Cervantès "garde toujours
en toi l'enfant que tu as été". Aujourd'hui, je le revois
en déclinant pour enfants, les créations Peter Pan que j'avais
intialement faites pour les adultes. J'en suis ravi : quel enfant n'a pas
rêvé de porter un tee-shirt avec une tête de mort de pirate
?
Mais pourquoi ne pas vous être engagé plus tôt dans
la création pour enfants ?
Je n'aime pas trop l'idée des créer des pièces pour enfants
qui ressembleraient à mes vêtements pour adultes. Ce qui m'intéresse,
c'est d'apporter un peu du monde adulte dans l'enfance, de leur forger une
armure tout comme il m'a paru important d'apporter une touche d'enfance dans
l'univers des adultes. C'est mon syndrôme de Peter Pan. C'est aussi
pour cela que la proposition de collaboration de la marque Okaïdi m'a
paru intéressante.
Vous avez su vous entourer de grands artistes, comme Andy Warhol. Pour
vous, la mode et l'art vont-ils toujours de paire ?
Quand j'ai commencé à intégrer les oeuvres d'artistes
à mes collections en 1982, j'étais à la limite d'être
sifflé. A l'époque, la relation entre la mode et l'art était
une alliance dangereuse. Aujourd'hui, l'idée n'a pas vieilli, elle
est même dans les gènes de notre époque. Il n'y a qu'à
voir les artistes adoubés par les magazines féminins. On aime
aussi cette aventure qui perdure entre la mode et le rock. Pourtant quand
je vois certains créateurs travailler avec la musique, l'initiative
me semble tardive. Je l'avais déjà fait notamment avec le groupe
Téléphone, qui était venu jouer à l'un de mes
défilés. D'ailleurs, Louis Bertignac m'a encore récemment
rappelé qu'il n'avait jamais été aussi mal payé...
En 2004, votre maison a été rachetée par le groupe britannique
Marchpole. Que cela a-t-il changé pour vous ?
Cela a tout changé : Marchpole est devenu actionnaire majoritaire
de la maison et je suis moi-même entré dans le capital du groupe.
Castelbajac fait maintenant partie d'un groupe de dimension internationale.
C'est une renaissance, je n'ai aucune nostalgie du passé. Je travaille
aux côtés d'une équipe dynamique, très réactive,
très jeune. J'ai pu mettre en oeuvre un projet avec les 3 Suisses inspiré
de mes premières lignes avec des produits très Rock' n' Love,
je continue de travailler le sport avec Rossignol et le Coq Sportif. En parallèle,
j'ai le sentiment d'avoir compris quelque chose avec l'écriture d'Eneco,
j'ai aussi écrit une chanson pour l'album de Mareva (ndlr : Galanter,
sa compagne). Tous ces projets se recoupent.
Pourquoi consacrer une si grande partie de vos créations au sport
?
Je fais des articles de sport depuis toujours ! Je trouve qu'il n'y a pas
de terrain plus révélateur de l'exaltation de la liberté
et de la beauté que le sport. C'est cette même démarche
qui a donné naissance à mes créations avec Farah Fawcett
dans les années 70 : il s'agissait de donner naissance à des
joggings ou des doudounes taille XXS pour exacerber la féminité.
Ma prochaine collection sport sera dans le même esprit : très
féminine et sexy. Sa fonction sera de séduire, car l'on peut
séduire même par le sport.
Vous avez travaillé sur des projets très différents,
créant notamment la chasuble de Jean-Paul II aux JMJ de 1997. Comment
choisissez-vous vos projets ?
Le projet des JMJ (Journées Mondiales de la Jeunesse) est une rencontre
entre le travail et la foi. A l'époque, je travaillais bénévolement
avec un prêtre de la prison de Fresnes. Monseigneur Lustiger l'a su
et cela s'est fait comme ça, à son initiative. C'était
une vraie leçon de chose. Quand j'ai vu le pape dans sa chasuble, mais
aussi un million de jeunes dans les tee-shirts que j'avais confectionnés,
j'ai compris qu'il était possible de faire des modèles uniques
et démocratiques à la fois, pour toutes les occasions. Dans
ma carrière, ce qui me plaît le plus est d'accompagner la jeune
génération, de participer à leur "sprezzatura",
leur révélation. C'est pour cela que j'ai aussi accepté
d'enseigner à Vienne.
Vous en êtes à près de 40 ans de carrière.
Laquelle de vos créations vous rend le plus fier ?
Si on lie la création à un acte, je pense que la chasuble du
pape est la plus grande expérience de ma vie. C'est une création
qui m'échappe, un rêve absolu. En mode, il y a eu la robe au
carré, faite avec Robert Malaval, appelée "Robe Fantôme".
Je retiens aussi mon premier pull Snoopy qui s'appelait "to be or not
to be" : Shakespeare et Snoopy, cela me correspond bien. Il y a aussi
le poncho deux places, qui était le premier vêtement pour deux
et que j'ai repensé avec un zip, en cas de divorce.
Aujourd'hui que vous reste-t-il à faire ?
J'ai 56 ans et il me reste encore tout à faire ! J'ai toujours eu des
pulsions très Rock'n'Roll mais je me rends compte aujourd'hui que Dieu
est dans le détail. Je dois encore peaufiner les concepts, travailler
les détails, les surpiqûres. Je recherche aussi l'accessible.
Si je pouvais retravailler avec Keith Haring, je n'opterais plus pour un modèle
unique, je ferais plutôt 10 000 tee-shirts. Aujourd'hui, j'aime
propager, j'aime créer pour le système global, je ne veux plus
être dans la résistance.
En savoir
plus
Le site de Jean-Charles de Castelbajac : www.jc-de-castelbajac.com
Le concept store : 10, rue de Vauvilliers 75001 Paris
Tel : 01 55 34 10 25