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"Quand on pense une collection, on la pense de la tête aux pieds. C'est un tout indivisible !"

A ses débuts dans les années 1990, Corinne Cobson était l'enfant terrible de la mode. Aujourd'hui, à l'occasion de la sortie de sa première ligne de lingerie, elle revient sur son parcours de créatrice très polyvalente.
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Votre griffe de vêtements existe depuis 1988. Mais quel était votre parcours jusqu'alors ?
Corinne Cobson : J'ai commencé par arrêter l'école à 16 ans : j'étais un véritable cancre. Je suis alors rentrée en apprentissage chez la styliste Dorothée Bis, ma mère. J'y ai été apprentie pendant 3 ans. A l'origine, je faisais des petites tâches comme le rangement des vêtements. J'en ai rapidement eu assez. J'ai fini par aller voir la tricoteuse et j'ai fait avec elle mon premier modèle : un pull tout en maille lâchée, un des premiers pulls troués. C'était un maxi-pull, entre le pull et la mini-robe. Il a été mon premier succès commercial : j'avais entre 16 et 18 ans. De là, j'ai décidé d'apprendre le métier avec la première d'atelier et me suis spécialisée dans la maille. Peu de temps après, je suis devenue le bras droit de ma mère. Notre premier défilé a été critiqué par une journaliste très réputée que j'estimais très conservatrice. Elle disait "qu'il ne fallait pas laisser les enfants s'amuser avec les ciseaux de leur mère". J'ai pris la remarque à contre-pied et me suis dis que je devais avoir un peu de talent. J'ai alors décidé de voler de mes propres ailes et de créer ma marque. J'ai ensuite fait un passage de 6 mois au Studio Berçot : cela a véritablement changé ma vie et ma perception de la mode.

Est-ce qu'être la fille de Dorothée Bis a facilité votre intégration professionnelle ?
Cela ne m'a pas vraiment aidé : mes parents étaient très aimés de la profession. Quand j'ai fait appel aux professionnels de la mode, personne n'osait me prendre de peur que cela se passe mal et de se brouiller avec ma famille. J'ai vite compris que ma seule alternative était de monter ma propre marque, car je ne trouverais pas de travail ailleurs. Il s'est avéré que cela a été la bonne solution.

Vos collections des années 1990 ont été très remarquées. Etait-ce une période d'innovation ?
Oui, ma première collection a eu beaucoup de succès alors que je la trouvais complètement ratée. J'avais tellement voulu me démarquer que j'étais allée trop loin. J'avais travaillé à partir de 2 matières uniques : le coton lycra et le molleton, qui n'étaient, à l'époque, pas exploités en prêt-à-porter. Les médias ont suivi, cela a attisé la curiosité des gens : le succès est parti de là. Je garde aussi un souvenir très fort de ma collection de 1991-92 : c'était le premier défilé où les filles étaient peau nue, sans collants, où l'on voyait leur ventre. J'avais joué sur des détails contradictoires, avec des pulls sous la poitrine et des pantalons au ras du pubis. Cela peut paraître anodin aujourd'hui mais en 1991, c'était choquant pour une mode encore ancrée dans les années 1980. Les années 1990 ont été pour moi une période touche à tout, où je jouais sur l'innovation. J'étais inconsciente, je pensais que tout était possible. Aujourd'hui, j'ai changé mais je suis toujours en mouvement. Je réalise notamment des modèles troués ou customisés, des t-shirts...

Aujourd'hui, qu'est-ce qui vous inspire ?
Mes inspirations me viennent de la musique, de la rue, des expositions, des images que j'ai l'occasion de voir tout au long de la journée. Cela peut partir d'une chose aussi anodine qu'une tache sur le bitume. C'est notamment d'une image comme celle-là qu'est partie ma ligne de tee-shirt.

Selon vous, à quels critères doit corrrespondre la mode d'aujourd'hui ?
Première chose essentielle : la femme doit se sentir séduisante, bien dans sa peau et dans son vêtement. Elle ne doit pas avoir besoin de penser à ce qu'elle va devoir porter avec sa tenue. Pour moi, un vêtement doit être simple et sophistiqué à la fois, être bien coupé, dans de belles matières. C'est pour cette raison que j'ai localisé ma production en France : on ne devrait pas pouvoir vendre des produits de qualité moyenne à un prix exorbitant. On doit savoir ce que l'on achète et d'où cela vient, surtout quand on se procure un modèle de créateur.

En 1997, vous avez intégré le Club des créateurs de Beauté. Pourquoi avoir pris part à ce projet ?
Ce qui m'a plu dans ce projet, c'est d'être amené à travailler en amont, lors de la création, ce qui n'est pas possible avec d'autres licences plus classiques. J'ai aussi aimé la modernité du projet : en 1997, on imaginait déjà être vendu sur Internet. L'idée d'arriver directement dans les foyers était extrêmement novateur. Il y avait évidemment déjà de nombreux catalogues de vente par correspondance pour le prêt-à-porter, mais n'y avait personne sur le marché des cosmétiques sauf Agnès B. Cela m'a tentée.

Etait-il important pour vous de passer de la création de prêt-à-porter aux cosmétiques ?
L'idée me plaisait car quand on pense une collection, on la pense de la tête aux pieds. C'est un tout indivisible. Avant le Club des Créateurs de Beauté, j'avais déjà eu l'occasion de toucher à la beauté, en tant que conseillère, pour la création de gammes de couleurs notamment. Le CCB était l'occasion de créer une ligne dans son intégralité.

Votre dernière ligne de cosmétiques est destinée aux adolescentes. Pourquoi créer pour ce public ?
C'était une volonté de ma part. Ce projet a mis du temps à aboutir car personne ne pensait qu'il pouvait être intéressant de s'adresser aux adolescentes malgré le succès des lignes de vêtements, d'accessoires ou même les spas pour ados qui existent aux Etats-Unis. Au final, cela marche très bien et je suis ravie : c'était passionnant de travailler pour les jeunes filles. Mais je ne m'intéresse pas qu'à ça. Je suis très ouverte à toute forme de création. Je me suis récemment penchée sur la verrerie, la porcelaine, le linge de maison. Je pense que le créateur doit s'intéresser à tout, même au design et au packaging industriel.

Pourquoi vous être éloignée du milieu de la mode pendant quelques années ?

Ce sont mes projets qui m'ont un temps éloignée de la mode. J'ai aussi eu 2 filles. Or travailler dans le monde de la mode, c'est s'investir jour et nuit. J'ai mis un frein à mes activités pour m'occuper de mes enfants. Je n'ai pas arrêté mais j'ai ralenti : je voulais être présente pour elles. Elles ont maintenant 10 et 4 ans et vont à l'école. Je vais pouvoir reprendre du temps pour moi.

Vous revenez aujourd'hui avec votre première ligne de lingerie. Comment est né ce projet ?

C'est quelque chose que j'ai toujours voulu faire. L'occasion s'est présentée grâce à une rencontre. Je travaille aujourd'hui avec une équipe avec laquelle je suis en osmose. Je suis d'autant plus ravie que c'est une démarche pérenne. Il ne s'agit pas d'un coup, cette collection se développera sur le long terme. La deuxième collection est finalisée et la troisième est déjà en route ! Cette collection est vendue en hypermarché, dans ma boutique et sera présente dès la rentrée au Printemps. C'est une ligne de lingerie "technique" : elle allie esthétique et matières innovantes. Hormis Chantal Thomass, très peu de créateurs ont cette démarche. Il était également très important pour moi que cette ligne soit accessible à tous. Je suis pour la démocratisation des modèles de créateur : être créateur ce n'est pas faire des modèles chers. Au contraire, on peut faire du luxe et de l'accessible à la fois. J'aime pouvoir toucher tous les pouvoirs d'achat car les gens ayant un petit budget ont tout autant de goût que les autres et on a tendance à l'oublier.

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La boutique de Corinne Cobson : 6, rue du Marché St.Honoré 75001 Paris.

Dossier réalisé par Véronique Deiller
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