"La haute couture, c'est une jeune femme qu'il faut faire grandir"
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Interview
25/11/2006

"La haute couture, c'est une jeune femme qu'il faut faire grandir"

Eymeric François Inspiré par le corps féminin, le créateur de haute couture Eymeric François définit son style comme celui de l'ultra-féminité. Rencontre avec ce sculpteur de corps.
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EN SAVOIR PLUS

Pouvez-vous nous retracer votre parcours ?

Eymeric François En 1999, j'ai terminé l'école supérieure des arts appliqués Dupperé. Six mois plus tard, j'ai été récompensé au Festival International des jeunes créateurs de mode de Dinard par le prix spécial du jury LVMH. Les jurés ont spécialement conçu un prix pour moi car, à l'origine, ce festival réunit des jeunes créateurs de prêt-à-porter. Or, ma collection était couture. Ils ont hésité à me décerner le prix du jury et ont en fin de compte préféré en créer un pour moi. Le prix m'a pemis de présenter ma première collection haute couture en juillet 2000, ce fut donc une formidable opportunité. Et depuis, j'en ai fait treize.

 

Pour réussir, est-ce que seul le talent suffit ?

Non, pas seulement. Il faut provoquer les opportunités, les créer. Je parle d'ailleurs souvent de chances provoquées. S'il faut avoir du talent, il faut aussi avoir envie de réussir. Je dis souvent à mes stagiaires que ce ne sont pas forcément les plus talentueux qui réussiront mais ceux qui en auront vraiment envie et qui se battront pour cela.

 

La haute couture, était-ce un rêve d'enfant ?

Ce n'était pas un rêve d'enfant mais un rêve d'adolescent. A l'époque de mon adolescence, c'est-à-dire fin des années 1980 et début des années 1990, nous étions bercés par la mode. C'était notamment l'ère des tops models. Je suis donc tombée dedans assez tôt, pour ne plus en sortir.

 

Nuit d'amour
Nuit d'amour d'Eymeric François. Voir le diaporama

Pourquoi avoir préféré la haute couture au prêt-à-porter ?

Je n'ai pas choisi, mon coeur est là, c'est tout. Durant la première année de mon BTS, j'ai fait un stage chez Thierry Mugler - ma maison de coeur - et à partir de cet instant, la question ne s'est plus jamais posée : c'était la haute couture. Je ne donne pas que du vêtement, je construis une esthétique, une allure.

 

Votre dernière collection avait pour thème la nuit. Pourquoi ?

Ce thème est en contraste avec les collections précédentes. L'idée était d'amener le public présent au défilé dans une bulle, dans un univers poétique qui nous est propre. Nous voulions qu'il se laisse porter pendant 12 minutes. Pour cela, nous avions entre autres prévu une composition musicale créée spécialement pour le défilé.

 

Comment avez-vous retranscrit ce thème sur vos créations ?

J'ai travaillé sur des notions que l'on assimile à la nuit : le noir bien entendu mais aussi la lingerie. Pour cela, j'ai créé un corselet - un body corseté - que l'on retrouve sur tous les modèles, visible ou caché. Le but était de donner un leitmotiv à la collection.

 

Quelles sont vos sources d'inspiration en général ?

Tout ce qui se rapporte à la femme et plus précisément au corps féminin. J'adore le sculpter. C'est pourquoi, je travaille beaucoup avec des corsets, des fourreaux... Mon objet est le vêtement mais il n'est qu'un média pour le corps. Mon intérêt est de voir le vêtement sur le corps.

 

Comme qualifieriez-vous votre style ?

Ultra, ultra-féminin et par conséquent anti-androgynique ! C'est à la fois précis et très vague. Cette hypersensualité permet en effet de varier les styles, les couleurs... et en même temps c'est facile de définir les codes : décolletés plongeants, jambes mises en valeur...

 

Vous êtes connu pour détourner épingles, zips et autres matériaux de confection. Pourtant dans votre dernière collection, ils sont absents. Pourquoi ?

Cela fait en effet deux collections que ces codes maison sont absents. Pour mes premières collections, il est vrai que les codes m'aidaient. Aujourd'hui, j'ai envie de jouer avec les codes, de les faire disparaître pour mieux les faire réapparaître. La robe à épingles reviendra donc à coup sûr. Il faut parfois se faire violence. Une maison ne se construit pas qu'avec des codes, il est aussi nécessaire de surprendre et de temps en temps, pour le plaisir, faire revenir les codes. C'est important pour nos clientes...

 

Nuit d'orient
Nuit d'orient d'Eymeric François. Voir le diaporama

Quels sont les professionnels de la mode que vous admirez ?

C'est difficile à dire, il y en a tellement : couturiers, photographes... Il y a ceux que l'on aime car leur travail est proche du nôtre et ceux que l'on admire parce que l'on a du mal à comprendre leur fonctionnement mais que ce qu'ils font nous épate.

 

Est-ce qu'il y a toujours un stress à chaque présentation de collection ?

Il y a un stress mais un bon stress, une excitation, une tension. Beaucoup d'artistes créent dans la douleur, pour moi ce sont des moments agréables et festifs. J'ai toujours hâte de la présenter.

 

Que pensez-vous de la polémique autour de la maigreur des mannequins ?

Tout d'abord, je trouve cela dommage que l'on ne se réveille que maintenant car elles étaient aussi maigres il y a 6 ans que maintenant ; mais mieux vaut tard que jamais. Pour ma part, je suis divisé en deux : d'un côté je me dis que je vais enfin retrouver des mannequins avec de vrais corps de femmes mais d'un autre côté, il ne faudrait pas qu'il y ait un total boycott des mannequins maigres car il ne faut pas oublier qu'une bonne moitié d'entre elles ne se forcent pas à maigrir et sont comme ça. Et puis, un top dont la constitution est d'être très mince et un top dont la constitution ne l'est pas n'ont pas le même comportement . Il ne faut donc surtout pas confondre maigreur et fraîcheur.

 

Justement, comment choisissez-vous vos mannequins ?

Je choisis des femmes qui ont des formes. Elles doivent avoir de la poitrine, des hanches car j'aime les femmes voluptueuses, mais aussi la taille fine. Par contre, cela ne veut pas dire que je n'ai jamais engagé un mannequin très mince. Il arrive en effet qu'en couture on se retrouve prisonnier de ses robes. On a travaillé des heures et des heures et il se révèle qu'elle est trop petite pour le type de mannequin que l'on a l'habitude d'engager. Dans cette hypothèse, une seule solution : se tourner vers un top qui pourra entrer dedans car il est hors de question de refaire la robe.

 

Quels sont vos projets ?

La couture reste bien entendu le coeur de mon développement, surtout depuis que nous sommes membres invités de la Fédération française de la couture. Sinon, nous nous développons particulièrement au Japon et courant 2007, nous développerons le prêt-à-porter en Europe.

 

La haute couture, c'est pour toute la vie ?

Il y a deux réponses à votre question : pour moi, la haute couture, c'est toute ma vie. Et sinon, la haute couture c'est pour toute la vie, pour tout le temps. La haute couture ne doit pas être cantonnée à un moment, elle peut se porter tous les jours. Il faut mettre de côté l'idée que l'on se fait d'elle qui se résume souvent à la robe un peu lourde et à la traîne. La haute couture peut être très facile à porter. La haute couture n'est pas une vieille dame, c'est une jeune femme qu'il faut faire grandir.

 

Voir ses créations

 

En savoir plus Le site d'Eymeric François www.eymericfrancois.com

Caroline Feufeu, Journal des Femmes

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