| Interview 22/10/2007 Natalie Bader : "Nous voulons rendre la maison Fred plus accessible"
Vous avez bâti votre carrière dans le monde de la beauté. Que vous apporte ce parcours dans votre façon d'aborder la joaillerie ?
Effectivement, je suis nouvelle dans l'univers de la joaillerie. J'ai beaucoup travaillé dans la beauté, dans les cosmétiques et un peu dans la mode Toutes ces expériences m'ont apporté des choses différentes. Séphora, qui est à la fois une marque et un distributeur, m'a donné une vision pragmatique du marché et du consommateur. Chanel, chez qui j'ai passé onze ans, a été ma plus grande école en termes d'exigence, d'excellence mais aussi de cohérence de la marque et de son concept. Revlon et Yves Rocher m'ont appris beaucoup sur la créativité et le développement des produits. Forte de ces expériences, j'espère apporter une vision un peu plus réaliste de la joaillerie, qui reste un monde assez traditionnel. Mon histoire m'a permis d'avoir une vision précise de ce qu'aiment les femmes, de la façon dont elles consomment, de la façon dont elles aiment se comporter dans les magasins... Pour faire rêver, il est nécessaire d'avoir les pieds sur terre ! Comment appréhendez-vous la maison Fred et quelles sont vos ambitions pour elle ? Pour moi, Fred est une sorte de joyau ! La maison jouit d'une très belle notoriété sur toute la France et surtout d'un capital sympathie énorme. Je souhaite simplement apporter un peu plus de précision dans l'image qu'elle véhicule. Quand on parle de Fred, les gens n'ont pas un produit iconique en tête, à l'exception du bracelet Force 10 peut-être. Ou bien ils ont une vision amalgamée avec d'autres maisons de joaillerie. Avec mon équipe, nous voulons redonner à Fred sa différence et sa modernité. Que comptez-vous mettre en place pour cela ? Tout d'abord, nous voulons rendre la marque plus accessible, pas forcément au niveau des prix, mais plutôt en jouant sur son caractère "sympathique".
On doit pouvoir se dire "cela peut aussi être pour moi !" Nous voulons faire une joaillerie qui soit "dans la vie". Cela veut dire des produits faciles à porter, qui ne s'accrochent pas dans les collants, ni dans les couches quand on porte des enfants, qui permettent de prendre un taxi sans avoir peur de perdre ses pierres Mais cela passe aussi par un magasin convivial, dans lequel on n'a pas peur d'entrer. Dans ce domaine, la mode a fait un très beau travail. On ne craint plus d'entrer chez Dior ou Prada, qui font pourtant des produits extrêmement qualitatifs. Notre nouvelle publicité va également dans ce sens : les mannequins portent des bijoux de moyenne joaillerie à 18 000 € de façon décontractée, sur un tee-shirt... Nous faisons des produits virtuoses, avec une grande expertise, mais cela n'empêche pas la convivialité et la décontraction ! Le deuxième point sur lequel nous souhaitons insister, c'est le côté androgyne de la marque. La modernité de la maison passe aussi par là. Historiquement, Fred s'est toujours adressé à des hommes et des femmes, à l'image des bracelets mixtes "Force 10", qui ont été son plus grand succès. On sait que les hommes portent de plus en plus de bijoux et qu'ils en porteront de plus en plus. Proposer des lignes pour les hommes est assez précurseur. Qu'est-ce que cela implique concrètement ? Une marque n'est rien sans les gens qui la font. La première chose que je me suis employée à faire, c'est de m'entourer d'une équipe qui comprend cette nouvelle page de Fred et qui la nourrit. J'ai donc embauché de nouvelles personnes qui, comme moi, ne sont pas forcément issues de la joaillerie et qui portent un regard neuf et plus rythmé sur cet univers. J'ai également convaincu ceux qui qui étaient déjà en place de jouer cette nouvelle partie et d'apporter leur énergie au renouveau de la marque. Côté produits, nous commençons à travailler avec de nouveaux designers, qui n'ont pas d'idées reçues et qui peuvent nous aider à faire évoluer la joaillerie vers plus de convivialité et de modernité, en mélangeant les matières par exemple. Nous revoyons également la stratégie produit, avec des bijoux plus accessibles, tout en continuant à faire des créations de haute joaillerie, comme Fred en a toujours fait. Le but est de donner un nouveau dynamisme à nos collections, avec des lignes nouvelles, plus originales. En parallèle, nous sommes en train d'harmoniser tous les éléments du "mix-marketing" (couleurs des sacs, looks des magasins, etc. ) pour faire passer à nos clients un message plus cohérent. Quels sont vos prochains projets pour la maison Fred, à plus ou moins court terme ? Comme je le disais, nous souhaitons travailler l'étonnement que peut susciter la marque en gardant un œil ouvert sur ce qui se passe à cote de la joaillerie.
Outre Yann Sicart, qui est chez Fred depuis longtemps et qui a une très bonne connaissance de la maison, nous faisons donc appel à des gens nouveaux, comme les designers Christian Ghion, Jean-Paul Goude ou Arik Levy, pour des projets qui verront le jour en 2008 ou 2009. Nous sommes également en train de développer nos points de vente. Fred poursuit son internationalisation à destination de l'Asie, mais aussi de Dubaï ou de l'Espagne. En France, nous possédons déjà trois boutiques en propre, trois corners et nous sommes commercialisés chez quarante-cinq distributeurs multimarques. C'est un potentiel intéressant, qui est susceptible de se développer encore. Enfin, comme beaucoup de marques, nous pensons également à un site de vente en ligne. A vouloir rendre Fred plus "accessible", la maison ne risque-t-elle pas de perdre de son prestige ? Je fais toujours un parallèle avec la mode. Ce n'est pas parce qu'aujourd'hui, plus de femmes portent des sacs à main Céline ou Dior que ces marques ont perdu de leur aura. On y accède plus facilement, mais elles font quand même rêver ! Il en va de même avec la joaillerie : ce n'est pas parce qu'on essaie de faire accéder un peu plus de femmes à la joaillerie que l'on va descendre en qualité. Surtout si ce qu'on leur propose est à la hauteur du rêve. Et puis nous ne parlons pas de bijoux fantaisie, mais de pièces autour de 1 000 ou 2 000 ! De plus, la maison Fred poursuit ses créations de moyenne et de haute joaillerie et ses commandes sur mesure à destination de ses clients les plus fortunés. Pour conclure, qu'est-ce qui fait la spécificité de Fred selon vous ? Historiquement, Fred, qui a 70 ans, a toujours été la maison la plus moderne de la place Vendôme. Par rapport aux autres grandes marques de luxe qui font des bijoux, comme Chanel, Dior ou Lalique, Fred est un joaillier. La maison a une vraie expertise dans ce domaine, avec une spécialisation dans les perles ou les pierres de couleurs. Enfin, je dirais, une fois de plus, qu'elle se démarque des autres maisons par son caractère sympathique. Cela est très lié à la personnalité de son créateur, Fred Samuel. Cette maison doit être à son image, chaleureuse et ouverte et je souhaite réaffirmer cette générosité.
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