Histoire
01/12/2006
Benetton : 40 années hautes en couleurs
Un clan, un produit : le pull Des mégastores en surnombre, des campagnes d'affichage qui font tourner les têtes ou baisser les yeux : quand on pense à Benetton aujourd'hui, on est loin de se douter que tout est parti d'une petite famille de Trévise. Tête de proue de cette saga quarantenaire, Luciano Benetton. L'entrepreneur, qui trône aujourd'hui sur un empire de plusieurs milliards d'euros, se lance dans les années 1960 sans le sou. Son point de départ : la maille que tricote sa sur Giuliana. Dès ses débuts dans le monde du textile, la fratrie opte pour une organisation aussi simple qu'efficace : Giuliana crée, Luciano vend en porte-à-porte. De fil en aiguille, le succès se fait sentir. En 1963, la famille Benetton ouvre sa première boutique ; trois ans plus tard la première usine est inaugurée. La clé de ce succès quasi-immédiat : la couleur. A une époque où la mode n'ose pas encore les teintes vives, Luciano Benetton propose des créations centrées sur le jaune, le bleu, le vert au total plus de 48 coloris sont rapidement disponibles par saison et par collection. Les consommatrices s'arrachent les pulls "United Colors" et inévitablement, les boutiques pullulent, à l'instar du premier point de vente parisien, établi dans le 6e arrondissement, rue Bonaparte en 1969.
Pour pérenniser ce succès, la famille s'organise. En 1985, la Holding Benetton s'installe au Luxembourg. La direction de la jeune entreprise s'affine pour ne plus évoluer pendant près de 20 ans : Luciano est aux rênes du marketing, Giuliana gère la création, tandis que les 2 autres frères, Gilberto et Carlo prennent les commandes de la direction financière et de la production. La famille tient son affaire d'une poigne de fer jusqu'en 2003 quand Luciano Benetton décide de passer progressivement le flambeau à son jeune manager, Silvano Cassano. Aujourd'hui, en 40 ans de règne sur la mode italienne, le bilan du clan Benetton est éloquent. Le groupe vend plus de 115 millions de produits par an, a ouvert plus de 5 000 boutiques dans le monde et a atteint, en 2005, le chiffre d'affaires très honorable de 1,72 milliards d'euros. Grâce à sa force d'adaptation mais surtout à sa stratégie de communication, la famille Benetton entre au panthéon des entrepreneurs multi-milliardaires.
Deux hommes, une identité visuelle
Si Benetton fait de la maille la star de ses collections, ce que l'on retient aujourd'hui encore, ce sont ses publicités d'abord gentiment édulcorées puis insoutenables. La communication par l'image prend tout son sens : les produits s'éclipsent face aux valeurs de l'entreprise, les visuels chocs s'imposent pour transmettre un message humain. L'origine de ce positionnement atypique pour l'époque : une rencontre. En 1982, Luciano Benetton fait la connaissance d'Oliviero Toscani, par l'intermédiaire du créateur italien, Elio Fiorucci.
Dès lors et pendant 18 ans, le photographe et l'entrepreneur vont régner en maîtres sur le marketing et la communication de la firme. Leur ligne de conduite pour les années 1980 : la promotion du multiculturalisme, de la multiracialité. Après tout, quoi de plus naturel pour une firme qui s'est faite l'étendard de la couleur que de promouvoir la diversité ethnique ? Les années 1990 marquent ensuite un tournant radical dans ces campagnes : Benetton décide de bouleverser l'opinion, de réveiller les consciences. Un homme estampillé du sigle VIH, un uniforme de soldat maculé de sang, un sidéen mourant auprès de sa famille, une chaise électrique, un enfant trisomique : la maison prend position sans complaisance pour les Droits de l'Homme, contre les épidémies mondiales, les conflits balkaniques, la famine. La pub signée Benetton dérange ou subjugue mais ne peut laisser indifférente, c'est là la clé de son succès.
En 1994, les deux hommes - à l'acmé de leur art - décident de créer la Fabrica, un "laboratoire de recherches en communication" destiné à promouvoir les jeunes talents du cinéma, du graphisme et des nouveaux médias. Avec la Fabrica, la communication signée Benetton se trouve un écrin de choix tout en nourrissant un vivier de futurs collaborateurs. La communication par la provocation s'institutionnalise juqu'aux années 2000, nouvelle ère décisive pour l'entreprise. Toscani et Benetton se brouillent. Les publicités de Benetton conservent leur identité forte pendant quelques années à l'image de la campagne de 2003 en faveur du Programme Alimentaire Mondial, avant de s'assagir. L'empire de la provocation perdrait-il de sa verve ? Un groupe, une stratégie Plus qu'une façade promotionnelle, Benetton est devenu un véritable empire grâce au flair et à l'esprit d'entreprise de son créateur. Dès les années 1980, Luciano Benetton a su jouer la carte de la diversification. Sa stratégie, l'entrepreneur la traduit d'abord dans son corps de métier, le textile. Après l'intégration de Sisley en 1974, Benetton crée les chaussures Tip-top en 1981 avant de développer sa ligne pour enfants - "0-12" - et ses lignes Merceria, Tomato, My Market puis en 1993, la marque de chemiserie And. Si ces enseignes connaissent en leur temps des résultats plus ou moins brillants, Benetton s'est aujourd'hui recentré sur un portefeuille de marques textiles phares, à l'instar de Sisley, Killer Loop ou Playlife. Les résultats financiers suivent, la famille Benetton a à nouveau eu du nez. A la diversification des lignes succède la croissance par le produit. Toujours en quête d'innovation et de nouveauté, Benetton lance en 1988, ses lignes de montres et de cosmétiques, puis son parfum pour Femmes, "Colors", premier-né d'une belle lignée de fragrance.
Au-delà de la mode, la diversification version Benetton passe aussi par d'autres secteurs, à commencer par le sport, véritable passion de Luciano. Les premiers pas de Benetton dans le le secteur datent de 1978 quand l'enseigne italienne devient sponsor officiel de l'équipe de rugby puis, en 1981, de basketball de Trévise. Ce qui à l'époque peut s'apparenter à de simples opérations de communication prend un tournant plus conséquent quand l'enseigne décide de racheter l'écurie de Formule 1 de Toleman en 1985. Un investissement qui s'avèrera fructueux sur le plan de l'image à défaut de l'être financièrement. En 1995, Benetton F1 remporte le titre de champion du monde des pilotes et des constructeurs. Flavio Briatore et Michael Schumacher sont à l'apogée de leur gloire, le groupe de Luciano Benetton aussi. Mais le sport n'est, dans les années 1990, que le pan le plus médiatisé de la stratégie entrepreneuriale de la maison italienne.
A cette même époque, le groupe Benetton se diversifie à tout va. La grande distribution, la restauration, les télécommunications, les autoroutes : Benetton est de tous les secteurs. Conséquence directe de cette politique : les revenus textiles ne représentent aujourd'hui qu'un quart du chiffre d'affaires global du groupe, qui profite essentiellement des activités d'Autostrade et Autogrill, ses filières autoroutières. En 40 ans, la clan Benetton a ainsi su faire de son entreprise familiale une multinationale parfois controversée mais toujours reconnue. De quoi assurer à l'entrepreneur Luciano une retraite dorée.
Voir Les campagnes de Benetton En savoir plus Le site de Benetton : www.benetton.com Et aussi : Tous les papiers tendance et toute la mode
Véronique Deiller, Journal des Femmes
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