Conseil
14/02/2008
Comment parler de la Shoah aux enfants ?
Que pensez-vous de la proposition de Nicolas Sarkozy ? Pour moi, elle n'a pas de sens. Il y a confusion
entre le devoir de mémoire et le devoir d'Histoire. Tous
les enfants ont besoin de connaître leur propre histoire et
celle à laquelle ils appartiennent avec un grand H. Mais
personne ne peut leur imposer la mémoire des victimes de
la Shoah, ce culte des morts, des martyrs et de la repentance. Je
ne vois pas pourquoi le pouvoir politique devrait formuler pareille
injonction. Les enfants n'ont pas à porter la dette de leurs
aînés. Cette responsabilité est bien trop lourde
!
Confier la mémoire (le nom et l'histoire) d'un enfant victime de la Shoah à un élève de CM2 peut-il être traumatisant ? Cette personnification à l'extrême
d'une victime aurait un impact affectif sur les enfants. Jumeler
un élève de 10 ans (donc en plein développement
psychique) avec un enfant martyr susciterait des mécanismes
d'identification forts. C'est jouer sur le registre des émotions,
du romanesque. Cela me parait dangereux ! Chaque enfant, en fonction
de son caractère et du contexte socioculturel dans lequel
il évolue, réagirait différemment mais il me
semble que pour certains, naîtraient des sentiments de culpabilité.
Pour d'autres, peut-être un sentiment d'injustice. Pourquoi
ne parle t-on pas des victimes de la guerre d'Algérie ou
du génocide rwandais ? On peut même provoquer sans
le vouloir un regain d'antisémitisme !
Mais alors quand et comment parler de la Shoah aux enfants ? Bien avant le CM2 si le support est adapté
! Il s'agit de relater des faits historiques, de rendre compte d'événements
passés. Pour cela, les livres, les documents photos, vidéos
mais aussi les musées, les mémoriaux ou encore les
témoignages de survivants ou de familles déportées
peuvent servir d'outils de recherche et de compréhension.
Après, c'est toute la difficulté de transmettre de
manière lucide et honnête tout en intéressant
les enfants au sujet. Certaines personnes, enseignants ou témoins
ont un don de passeur. Mais nul besoin de personnifier les victimes
comme le suggère la proposition du Président. Lire aussi Patrick Ben Soussan : "Les enfants sont capables d'affronter la mort" Voir aussi L'Internaute Actualités
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