Interview
11/04/2007
Jean-Claude Pons : "Les futures mamans de jumeaux se projettent beaucoup plus dans l'avenir"
Quelles sont les causes d'une grossesse gémellaire ? Un taux d'hormone FSH plus élevé chez la femme qui peut être provoqué par trois facteurs principaux. Les traitements contre la stérilité utilisés pour déclencher l'ovulation, le procédé de fécondation in vitro et l'âge de la future maman (plus on vieillit, plus le risque de grossesse gémellaire augmente). Il a aussi été démontré que le taux de FSH variait en fonction de l'origine ethnique de la mère. Ainsi les femmes africaines ont plus de chance d'avoir des jumeaux que les européennes, elles-mêmes plus nombreuses que les asiatiques à vivre une grossesse multiple. Quant à l'hérédité, c'est un facteur qu'on ne peut pas vraiment estimer car statistiquement une personne sur 40 possède un jumeau, ce qui signifie qu'il y en a dans quasiment toutes les familles. Enfin, une étude a montré qu'une alimentation riche en patates douces (un aliment beaucoup consommé en Afrique) contenant une substance proche de l'hormone FSH pouvait avoir une influence ! En quoi une grossesse gémellaire est-elle différente d'une grossesse unique ? Tout est différent ! D'abord, la grossesse gémellaire est considérée comme une grossesse à risque. Par exemple, le risque de prématurité est multiplié par 10, celui du petit poids de naissance par 8. Il existe des complications spécifiques comme le syndrome transfuseur-transfusé (par la communication des vaisseaux entre les deux placentas) ou celui d'une absence de cloison entre les bébés qui risquent d'entortiller leurs cordons ombilicaux entre eux. Ensuite, la grossesse gémellaire se révèle plus éprouvante. Les nausées, la fatigue, la distension de la peau, les contractions et toutes les réjouissances des neuf mois sont plus intenses. En revanche, contrairement aux idées reçues, les femmes enceintes de jumeaux ne grossissent pas beaucoup plus que les autres, deux kilos supplémentaires en moyenne. Pourtant, il a été démontré qu'en prenant plus de poids, ces femmes diminuaient le risque d'accoucher prématurément. A bon entendeur... Ce sont visiblement des grossesses angoissantes? ! En effet, le poids de ces possibles complications médicales pèse sur les épaules des parents. 8 % de bébés naissent avant 33 semaines. Et, contrairement aux femmes qui attendent un seul enfant, les futures mamans de jumeaux se projettent beaucoup dans l'avenir. Les questions fusent dès l'annonce de la nouvelle : "Comment les différencier, pourrai-je allaiter, faut-il les scolariser dans la même classe, auront-ils le même caractère, comment leur accorder autant d'attention et d'affection à l'un qu'à l'autre ?" Sans compter les soucis matériels qui peuvent survenir ! Un bébé de plus, ça compte dans le budget et dans l'organisation de la maison ! Certains parents n'avaient pas prévu deux chambres... Bref, tout ça explique le petit "passage à vide" que traversent nombre de parents au début de la grossesse. Il n'existe donc aucun point positif à attendre des jumeaux ? Si, bien sûr ! Il faut par exemple savoir que l'accouchement (qui a priori effraie encore plus dans le cas de jumeaux) est facilité. L'ouverture du col de l'utérus se passe mieux, surtout pour les primipares. En somme, il est moins compliqué d'accoucher de deux bébés de 2 kilos que d'un seul de 4... Au-delà de cet aspect, avoir des jumeaux valorise énormément les parents dans leur rôle. Ils se sentent courageux et, au fond, ont l'impression (s'il y a une fille et un garçon) de "créer le monde". Sans compter l'affection énorme qu'ils reçoivent. Des jumeaux, c'est deux fois plus de câlins et de bisous ! Que faut-il mettre en place pour que tout se déroule au mieux ? Le grand secret pour gérer la situation tient en un mot : organisation. Et je conseille aux parents de s'y atteler pendant la grossesse car c'est le moment où ils auront le plus de temps pour tout mettre en place. En effet, après les naissances, le premier mois s'avère toujours difficile, la fatigue s'accumule, un des deux bébés a toujours besoin de quelque chose, les rythmes d'allaitement s'accordent doucement. Premier réflexe : dresser une liste de toutes les aides auxquelles on a droit : aide-ménagère, baby-sitter, coup de pouce financier... Il faut se renseigner car les cas varient en fonction des départements et des conditions de ressources de la famille. Ensuite, ne pas hésiter à se tourner vers des "personnes ressources" qu'elles appartiennent à l'entourage (grands-parents par exemple) ou à des associations. La Fédération Jumeaux et Plus, qui regroupe 79 associations départementales, peut répondre aux inquiétudes des parents par l'intermédiaire de réunions d'informations, en les dirigeant vers des maternités adaptées à leur cas et les plus proches possible de leur domicile, en organisant des petits groupes de préparation à l'accouchement spécifiques, voire en leur indiquant des coordonnées de sage-femmes libérales ou des adresses pour un soutien psychologique. Ce type de structure peut aussi leur transmettre des bons plans : ventes d'occasion de matériel de puériculture, combines pour acheter le lait ou les couches en gros, etc. Concernant l'éducation des jumeaux, auriez-vous des recommandations pour bien commencer ? L'important consiste à ne pas les élever comme un seul et même individu mais comme deux personnes distinctes. Inutile de "forcer" leur différenciation ou de vouloir la gommer, il suffit de les laisser décider par eux-mêmes. Le processus est bien plus simple à vivre qu'à imaginer, donc le mot d'ordre est : ne pas se poser trop de questions et agir au jour le jour. J'ai l'habitude dire : dédramatisez plutôt que de géméliser ! La grande inquiétude des parents de jumeaux tient dans la "stratégie égalitaire". Ils veulent à tout prix donner la même chose aux deux enfants, d'un point de vue matériel et affectif. Mais c'est impossible ! Pour la simple et bonne raison que les deux bambins n'ont pas les mêmes besoins. Il est bon de se rappeler que les jumeaux ne sont pas des clones mais des frères ou soeurs qui fonctionnent comme dans un rapport de couple. C'est plus compliqué qu'une relation de dominant à dominé car les rôles sont interchangeables en fonction des âges et des domaines. Ils se construisent l'un par rapport à l'autre, leurs personnalités sont en interaction permanente. Le rôle des parents se résume à les aider à s'affirmer individuellement, sans s'en référer systématiquement à l'autre.
En savoir plus La Fédération Jumeaux et Plus : www.jumeaux-et-plus.fr Katrin Acou-Bouaziz, Journal des Femmes
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