Interview
28/09/2007
Marie-Claude Vallejo : "Une belle-mère doit savoir rester à sa place"
Pourquoi les belles-mères ont-elles si mauvaise presse ? Au siècle dernier, quand une femme mourait en couches -ce qui était relativement fréquent- le père se remariait très vite, il "prenait une autre femme" pour assumer le rôle de la mère disparue : la belle-mère. Pour les enfants, la marâtre, même si elle les élevait et leur donnait tout ce dont ils avaient besoin, n'incarnait pas la tendresse maternelle (même si celle-ci était idéalisée) puisque son arrivée brutale leur était imposée. Elle avait donc un statut à part, une image ambiguë qui la suit encore aujourd'hui dans l'inconscient collectif. En quoi est-ce si dur d'être une belle-mère ? La grande difficulté, c'est de faire le deuil de la vision idéale de la situation qui vous attend. Les belles-mères enthousiastes et pleines de bonne volonté à l'idée de rencontrer les enfants de leur amoureux (et souvent de s'intégrer dans sa famille) oublient de penser à toutes les difficultés qui pourraient survenir. Elles font l'erreur de croire qu'elles pourront surmonter tous les obstacles, qu'elles sont tellement prêtes à donner que tout se passera forcément bien. Aimantes, elles idéalisent l'avenir et s'imaginent que leur intégration sera quasi immédiate, comme naturelle. En fait, elles ne se mettent pas du tout à la place de chaque acteur de la scène et en particulier des enfants qui ne sont pas capables d'accepter un tel changement de manière si rapide. Les belles-mères doivent donc absolument prendre de la distance et laisser faire le temps sans se précipiter, sans s'investir outre-mesure au risque d'être très déçues voire profondément blessées...
Quels sont les facteurs qui compliquent la tâche ? D'abord, il y a la relation entre le père et son ancienne compagne, la mère de ses enfants. Si des conflits perdurent ou que la séparation est toute fraîche, les enfants risquent de reporter sur leur belle-mère les sentiments négatifs qu'ils éprouvent vis-à-vis de leurs parents. Elle sera la fautive dans tous les cas. Conclusion : les enfants doivent faire le deuil du couple parental avant d'intégrer l'idée d'avoir une belle-mère. Ensuite l'âge des enfants s'avère crucial. Les pires moments : la phase oedipienne (5-7 ans) et la préadolescence. Pendant l'adolescence, les conflits ont le mérite d'éclater, ce qui permet de résoudre bien des tensions. Enfin, la manière dont le père présente sa compagne peut tout changer. S'il précipite son emménagement, laisse entendre aux enfants "voici votre nouvelle mère", fait des comparaisons avec la vie d'avant, etc., c'est l'échec assuré. Quels sont alors les moyens de réussir cette intégration ? D'abord, il faut laisser aux enfants le temps de comprendre, de s'habituer et donc entrer dans leur vie très progressivement. Pour commencer, la belle-mère peut venir de temps en temps à la maison, participer à une sortie, recevoir la petite famille un week-end ou pour les vacances. Petit à petit, la belle-mère s'intercale dans l'histoire familiale en apprenant ses codes et en respectant les souvenirs et la culture commune élaborés avant elle. Ensuite, la belle-mère doit éviter de se montrer intrusive : même si c'est par gentillesse et avec un intérêt sincère, son élan sera mal interprété par les bambins. Elle doit rester une amie de la famille, une personne tierce. Après, les liens pourront, si affinités il y a, se développer plus profondément. Enfin, le père se situant vraiment au carrefour des deux vies doit jouer le rôle de médiateur, de tampon. Etre à l'écoute de ses enfants mais aussi de sa nouvelle conjointe et gérer les éventuels conflits. Il ne peut pas demander à ses enfants d'aimer sa nouvelle compagne mais au moins de la respecter, de lui faire une place. S'il explique son choix tout en précisant que "maman reste maman" on est sur la bonne voie. A noter : si le couple décide d'avoir un enfant, cela aidera à souder les liens de cette famille recomposée. En effet, cela donne du poids à la nouvelle relation amoureuse du père. Cette naissance rassure sur le caractère définitif de la nouvelle union : c'est, pour les enfants, la garantie d'une sécurité retrouvée.
La belle-mère peut-elle intervenir dans l'éducation des enfants ? Oui, mais si elle respecte la règle selon laquelle le père et la mère sont les référents éducatifs prioritaires. En somme, son avis passe en troisième ! Autrement dit, concernant les grandes orientations de l'éducation des enfants, les parents restent maîtres à bord et concernant la vie quotidienne, la belle-mère, surtout si elle est la seule adulte responsable avec les enfants, donne le tempo. Le discours à tenir aux enfants : "Je suis responsable de vous alors vous me respectez et vous m'écoutez". Si les ordres de la belle-mère contredisent ceux de la mère, tant pis, les enfants sont capables de respecter les deux ! Au pire, je recommande de laisser le père trancher ou de faire une réunion de famille. En fait, la belle-mère n'a pas plus d'autorité que n'importe quel adulte qui s'occuperait des enfants. Sauf dans une situation où la mère serait décédée. Attention à ne pas considérer une mère absente, voire irresponsable ou insuffisante comme telle... Les enfants ne le verraient pas du tout du même oeil. Encore une fois, la belle-mère en voulant bien faire, ne gagnerait aucune reconnaissance, pire, elle s'attirerait l'animosité des enfants. Comment se positionner par rapport à la mère ? Le secret, c'est le respect de la figure maternelle et ce, qu'elle que soit sa réalité. La belle-mère ne peut ni remplacer la mère, ni réparer les manques d'une relation mère-enfant imparfaite. Dans les faits, il faut donc éviter de critiquer la mère devant les enfants et s'effacer devant ses décisions. La belle-mère gagnera lentement mais sûrement le respect des enfants de son conjoint et peut-être leur affection mais, même si le processus y ressemble, il ne s'agit pas d'une adoption : la belle-mère n'aura jamais toute la place, elle devra toujours partager. Au niveau affectif, prudence aussi, avec les enfants d'une autre, mieux vaut être trop distante que pas assez (dans ce cas, les enfants réclameront sans mal)... Quant aux rivalités qui peuvent survenir entre les deux femmes, je pense qu'elles viennent dans la plupart des cas de la belle-mère qui se sent en situation de faiblesse par rapport à la mère qui, du fait de son statut, possède une "toute puissance naturelle". C'est moins vrai lorsque la belle-mère a aussi des enfants et est rassurée dans sa fonction de mère par sa propre expérience. Il arrive de voir des duos mère/ belle-mère qui réussissent à communiquer pour organiser le quotidien des enfants mais c'est encore très rare. La meilleure solution qui reste pour juguler les tensions, c'est donc encore une fois de passer par le père.
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