Larmes à gauche. Danielle Mitterrand a rendu l'âme, à 87 ans. Parcours de cette First Lady, forte et sombre, plus à l'aise dans le combat pour les opprimés que sous les ors de l'Elysée.
Admise vendredi à l'hôpital Georges-Pompidou, à Paris, Danielle Mitterrand avait été placée en coma artificiel dimanche, suite à une anémie et des problèmes respiratoires. Elle est morte, cette nuit, entourée des siens.
Epouse d'un chef d'Etat, mais aussi femme de poigne convaincue de ses idées, la veuve de l'ancien président de la République n'avait pas fait de longues études, mais elle s'était engagée, ardemment, pour les causes qui lui tenaient à cœur. Avec courage et abnégation.
Fille d'un directeur d'école - révoqué en 1940 par Vichy pour ne pas avoir dénoncé les élèves juifs de son collège - et d'une institutrice, tous deux fers de lance de la SFIO, Danielle Gouze, née le 29 octobre 1924 à Verdun, dans la Meuse, rejoint le maquis à 17 ans comme infirmière bénévole.
C'est à Cluny, en Saône-et-Loire, dans la maison familiale où s'est réfugié son père, qu'elle rencontre le capitaine "Morland", alias François Mitterrand, recherché par la Gestapo. Elle l'épouse à Paris, en octobre 1944, après la Libération. Ensembles, ils ont trois enfants : Pascal, décédé quelques mois après sa naissance, Jean-Christophe et Gilbert.
Danielle Mitterrand partagera ensuite sa vie entre la Nièvre où son conjoint est élu député en 1946, et la capitale où il entame une carrière ministérielle. Concernée, elle accompagne son mari lors de ses nombreuses campagnes.
Avant la victoire de 1981, elle se présente dans Paris-Match comme une femme d'allure simple, mais capable de prendre position sur l'échiquier international, au contraire d'Anne-Aymone Giscard d'Estaing, plus "grande dame".
Au Palais, elle accepte les obligations dues à son rang, mais refuse de se laisser enfermer dans le protocole, n'hésite pas à critiquer le Premier ministre de cohabitation Jacques Chirac ou bien encore la politique d'immigration menée par Charles Pasqua.
© ©PHOTOPQR/LE PARISIEN/MATTHIEU DE MARTIGNAC/MAXPPP Danielle Mitterrand, aux 25 ans de sa fondation, le 04/10/2011.Danielle Mitterrand parvient à utiliser la tribune que lui offre son statut de First Lady pour se consacrer à la défense des droits de l'Homme. Son discours tiers-mondiste, qui mettra parfois "François" dans l'embarras, la conduit à créer en 1986 la fondation France-Libertés. Cette organisation humanitaire non gouvernementale vient en aide aux plus démunis. La particularité de son action est de vouloir donner aux discriminés (sous-commandant Marcos, peuple tibétain, cubain, victimes de l'apartheid) la possibilité de se prendre en main. Elle milite pour l'accès à l'eau, à l'éducation, défend le droit à la démocratie, à une économie saine et au commerce équitable.
En 1992, elle échappe à un attentat (avec le ministre de la Santé et de l'action humanitaire, Bernard Kouchner) lors d'un voyage dans le Kurdistan irakien. Puis suscite la polémique en embrassant Fidel Castro sur les marches de l'Elysée lors de sa visite en 1995.
Lauréate du prix Nord-Sud (1996), Danielle Mitterrand, qui s'est rendue à plusieurs reprise aux forums sociaux mondiaux, s'était, ces dernières années, éloignée du PS, jugeant que "ses dirigeants n'avaient pas la fibre socialiste". Fière, elle avait prôné le "non" au référendum européen en 2005 et soutenu Ségolène Royal aux élections, plus par féminisme qu'affinités personnelles...
Amatrice de reliure, auteur de plusieurs livres dont le best-seller "En toutes libertés", cette grand-mère et arrière grand-mère ne ménageait pas son temps pour honorer la mémoire de son époux, disparu en 1996. Lors de ses obsèques, à Jarnac (Charente), on se souviendra toujours qu'elle a étreint avec tendresse Mazarine, la fille cachée de François Mitterrand et Anne Pingeot. Magnanime, digne, droite, mais douce aussi, se rappellent tous ceux qui la pleurent aujourd'hui.
Justine Boivin avec AFP, Journal des Femmes