Alexis Jenni a reçu mercredi le plus prestigieux des prix littéraires français pour son premier roman, "L'Art Français de la Guerre" (Gallimard), fascinante fresque qui questionne l'héritage des guerres coloniales.
Le nom du lauréat du Goncourt a été révélé peu avant 13 heures au restaurant Chez Drouant, dans le deuxième arrondissement de Paris. Grand favori, Alexis Jenni, professeur de biologie âgé de 48 ans, a été choisi "au premier tour", a annoncé l'un des membres du jury Didier Decoin.
Cet agrégé de SVT (sciences de la Vie et de la Terre) qui vit et travaille à Lyon, succède à Michel Houellebecq, couronné l'an passé pour "La Carte et le Territoire" publié chez Flammarion.
Son roman fleuve l'a emporté sur trois autres finalistes, "Du Domaine des Murmures" de Carole Martinez (Gallimard), "La Belle Amour Humaine", de Lyonel Trouillot (Actes Sud) et "Retour à Killybegs" de Sorj Chalandon (Grasset).
Emu, Alexis Jenni a évoqué un "bonheur excessif". "Il n'y a pas vraiment de mot parce que la situation est tellement extraordinaire", a-t-il réagi. "Je profite, je suis heureux, relativement surpris mais je suis surpris depuis le début. Lorsqu'on fait un livre, on rêve de succès et de prix et là ça arrive. Je pourrais pas dire que j'essaierai de faire mieux la prochaine fois parce que je vois pas comment on pourrait faire mieux", a-t-il ajouté.
Alexis Jenni recevra un chèque symbolique de 10 euros, mais il gagne l'assurance de voir multipliées par dix les ventes de son ouvrage, déjà un succès en librairie. Un enjeu de taille bien connu des maisons d'édition.
Alexis Jenni l'avoue humblement, il se considérait jusqu'ici comme "un écrivain du dimanche". Ce père de trois enfants n'a pourtant jamais cessé de rédiger depuis vingt ans, "toujours dans des cafés", "de petites choses" restées dans ses tiroirs ou qui n'ont pas marché.
Il s'attelle voici cinq ans à ce récit, une épopée entre Indochine et Algérie composée sur les coins de tables de ses troquets préférés. Son manuscrit de près de 700 pages achevé, il l'envoie, par la poste, à un seul éditeur, Gallimard, dont c'est le centenaire et qui flaire aussitôt la révélation de la rentrée. La plupart des critiques sont conquis et les éloges pleuvent sur cet amoureux du cinéma, de bandes dessinées et de la botanique, qui tient un blog, "Voyages pas très loin".
Loin des premiers opus nombrilistes, "L'Art Français de la Guerre", au style classique, épique, est un chant inspiré, baigné de sang et de combats, une méditation sur l'identité nationale. Dans ce pavé qui se dévore, un ancien parachutiste qui a connu plusieurs guerres et notamment la torture apprend à un jeune homme la peinture, en racontant sa vision de ces conflits qui ont marqué profondément la société française.
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