La Textilerie, un lieu cousu main pour une mode éco-responsable

Mi-janvier 2018, Paris voyait naître en sa rive droite un lieu étonnant et inspirant, mettant à l'honneur le textile dans tous ses états. Cette nouvelle adresse éducative et créative, ayant pour fils rouges l'éco-reponsabilité et la consommation raisonnée, nous a donné envie d'en pousser les portes. Présentation de la Textilerie et interview de ses co-fondatrices.

La Textilerie, un lieu cousu main pour une mode éco-responsable
© Mathilde Bouthier de La Tour

Le quartier du canal Saint-Martin, dans le 10ème arrondissement de Paris, ne cesse de se développer et de voir s'implanter de nouveaux concepts trendy. Au cœur de ce quartier-champignon, une adresse OVNI, inaugurée le 13 janvier dernier, a plus particulièrement attiré notre attention pour sa novation et sa philosophie : la Textilerie. Suivez-nous au 22 rue du Château Landon, à la découverte de ce lieu éthique et pratique.

© Mathilde Bouthier de La Tour

Un lieu convivial d'échange

Quand on pousse la porte de la Textilerie, on ne se sent ni dans une boutique, ni dans un atelier et encore moins dans un entrepôt. Ce lieu hybride ne ressemble à aucun autre et l'ambiance douce et chaleureuse qui y plane séduit à coup sûr. La décoration est soignée, personnelle, féminine, un brin rétro. Une chaise Formica pastel ici, une vieille machine à coudre Singer là, des verrières d'atelier sur la gauche, des suspensions oversize en osier au plafond, une lampe Art nouveau près de la balance industrielle et des affiches de cinéma sous cadre un peu partout. La Textilerie est un joyeux patchwork raffiné ressemblant à s'y méprendre aux personnalités attachantes de ses co-fondatrices. Nous sommes ici chez elles et cette adresse est à leur image.
Alice et Elsa mettent un point d'honneur à faire de leur concept un lieu de rencontre où l'on aime rester, discuter, échanger, créer et surtout revenir. Elles accueillent leurs visiteurs dans un cadre apaisant, entre le petit coin cosy où se poser à droite de l'entrée et le coin café-salon de thé où l'on aime se prélasser au bar, en dégustant des cakes bio artisanaux tout en troquant quelques astuces mode ou couture avec des professionnels, des passionnés mais aussi quelques curieux débutants. Que l'on soit là pour déposer, acheter, coudre ou apprendre, il est compliqué de ne faire que passer.

© Mathilde Bouthier de La Tour

Le nouveau berceau parisien de la mode éthique et éco-responsable

Alice (également directrice de l'association Mode Estime) et Elsa (ex "serial shoppeuse" repentie suite à une prise de conscience radicale) ont décidé, main dans la main, d'éduquer les fashion consommateurs à la mode éthique en leur montrant que s'habiller éco-responsable peut être ludique, facile et même stylé. Ainsi, au 22 rue du Chateau Landon, on propose aussi bien de recycler (La Recyclerie où l'on vient déposer ses vieux vêtements et accessoires mode - abîmés ou non - pour qu'ils soient triés puis revendus à bas prix sur place dans l'espace fripe, pour les produits en bon état, mais aussi mis à disposition des usagers de l'atelier ou donnés au réseau de collecte et de tri le Relais 75, pour les vêtements irrécupérables en l'état) que de shopper bio au sein de l'espace mercerie (La Boutique-café). Ici, vous trouverez aussi à l'achat une sélection de créations réalisées par des designers engagés.
Mais la Textilerie va plus loin et vous prend par la main pour que vous puissiez donner une seconde vie à vos vieux vêtements via des ateliers d'upcycling et un Repair café où l'on vous prodigue les bons conseils pour réparer, rafistoler votre robe fétiche bien usée. De quoi changer votre regard sur votre dressing et donner une âme à des vêtements bien trop souvent considérés comme jetables.

© Mathilde Bouthier de La Tour

Une adresse pour créer ou redonner vie aux vêtements

C'est à L'Atelier que l'on fait marcher sa créativité ! Outre les ateliers d'upcycling et le Repair café, cette entité de la Textilerie propose de passer encore un cap dans la consommation responsable en fabriquant vos vêtements au lieu de les acheter (la plupart du temps chez des enseignes manquant cruellement d'éthique). Seul ou en groupe, aidé d'un professeur ou autonome, profitez des machines à coudre, piqueuses et surjeteuses mises à disposition dans le cadre de divers cours (thématiques - kimono ou encore nœud pap' tricoté... - et par niveau) ou en accès libre à petits prix.
Grâce aux belles initiatives d'Elsa, d'Alice et de Clémence (professeur de couture), nous porterons enfin des vêtements uniques tout en faisant du bien à la planète. Que demande le peuple ?

© Mathilde Bouthier de La Tour

Les co-fondatrices Elsa et Alice prennent la parole

Le Journal des Femmes : Etes-vous précurseurs du concept de la Textilerie ?
Alice et Elsa : Au niveau de cette logique de filière et de diversité d'activités autour d'une même matière première, il existe déjà l'équivalent avec le bois (l'Établisienne dans le 12ème arrondissement de Paris), mais il est vrai que nous sommes pionnières sur le fait de rassembler autant d'activités autour du textile. Toutes les activités que nous proposons existent évidemment déjà de manière indépendante mais il n'y avait pas encore de lieu concept global comme celui-ci. Côté textile bio, nous sommes également fières d'être les seules (hors sites internet où l'on ne peut malheureusement pas toucher les matières) à proposer en intégralité des produits bio dans notre mercerie. D'autres commerces disposent, eux, seulement d'une petite sélection bio à travers leur achalandage.
Malgré toute l'offre déjà présente sur le marché, nous n'avions encore jamais vu de lieu proposant l'impact environnemental et social du textile comme un fil rouge aussi fort et omniprésent qu'à la Textilerie. Il est certain que dans un avenir proche, il y aura de plus en plus de lieux équivalents, et c'est tant mieux,  car c'est une problématique de plus en plus présente dans la tête des gens suite à une prise de conscience ces dernières années au niveau de l'alimentaire et du développement durable. Même les politiques semblent avoir une véritable volonté d'aller dans cette direction.

Le Journal des Femmes : Quel est votre point de vue sur cette génération de jeunes femmes qui adorent la mode et adopter les dernières tendances et qui expliquent s'habiller dans les grandes enseignes de fast-fashion pour les petits prix qui y sont pratiqués, les marques éco-responsable restant encore trop cher pour elles ?
Elsa : Je ne peux que les comprendre ! Moi-même j'adore les fringues. J'étais jusqu'à peu une véritable accro du shopping. Je sur-consommais de manière très frénétique dans des enseignes comme Zara, H&M ou Monop'. À un moment donné, c'était même tellement frénétique que j'ai eu une prise de conscience à me disant "Bon, si tu en arrives à ce stade c'est qu'il y a un vrai problème". Je comprends ce besoin de nouveauté, sachant que les vêtements sont un moyen d'expression, de séduction et de reconnaissance sociale. Et puis le système de ces marques fast-fashion est clairement fait pour accentuer cette impression de besoin chez les consommateurs en jouant sur leurs frustrations.
Ma solution à moi fût de me dire que je continuerai à acheter toujours beaucoup mais uniquement de la seconde main (donc beaucoup moins cher en plus).
L'autre chose, c'est qu'il faut vraiment avoir une réflexion sur la véritable valeur d'un vêtement qu'on achète neuf, le nombre de fois qu'on le portera… Il faut se poser les bonnes questions : pourquoi ne pas essayer de créer une histoire avec nos vêtements, un rapport plus affectif et moins "jetable" ?
Alice : Je suis du même avis et loin de moi l'idée de juger les femmes qui sur-consomment dans ces grosses enseignes. Ce n'est pas le consommateur qui me gêne dans ce système, c'est la non-transparence de ces marques envers leurs clients. Si encore ils achetaient en toute connaissance de cause, ça les regarderait et chacun ferait comme bon lui semble. Seulement, le gros souci, c'est qu'avec l'ignorance des gens dans ce domaine, créée et entretenue par les marques, personne ne se dit qu'un t-shirt à 2 euros ce n'est ni possible ni normal si on réfléchit au temps de travail pour le réaliser et au coût de la main d'œuvre employée. La perception de la valeur d'un vêtement neuf devient totalement faussée. Forcément, derrière on est choqué de devoir payer 45 euros un t-shirt mis en vente par un créateur qui aura fait attention au choix de ses matières et de ses fournisseurs et qui aura pris la peine de faire fabriquer en France et dans les meilleures conditions. Il y a toute une éducation à refaire dans ce domaine pour faire évoluer ce système.

Le Journal des Femmes : En parlant des enseignes fast-fashion, que pensez-vous des opérations éthiques réalisées par ces grandes marques (lignes éco-responsables, opérations de dépôt de vêtements en boutiques pour le recyclage…) ?
Elsa : Alors déjà, ces opérations de recyclage n'en sont pas ! Ce sont des opérations de collecte qui permettent de refourguer la marchandise déposée en boutiques par leurs clients à de grosses enseignes de trieurs allemands qui vont ensuite faire leur business en les revendant.
La communication autour de ces opérations n'est jamais claire auprès des consommateurs. Et quand ces enseignes décident de créer des collections éco-responsables à base de vieilles pièces en denim recyclées, il ne s'agit même pas des jeans déposés par les clients lors de ces fameuses opérations recyclage. Il n'y a aucune logique dans tout ça. On ne va pas se mentir, c'est clairement de la com'.

Le Journal des Femmes : Comment ce genre d'enseignes pourrait aller plus loin et changer réellement le système ?
Elsa : Le problème c'est qu'avec ce système de production constante, de collections qui tournent aussi rapidement et avec un tel volume, c'est juste impossible. Pour arranger les choses, et avant même de revoir les conditions de travail dans les usines, il faudrait déjà que ces marques ralentissent le rythme de leurs collections, mais je n'ai pas du tout l'impression qu'elles soient dans cette optique. Le système "fast fashion" est totalement en opposition avec une mode éco-responsable, c'est absolument incompatible au niveau de la logique et de la logistique.

Le Journal des Femmes : Quelles marques mode abordables ont, selon-vous, une démarche intéressante et sincère en ce qui concerne la fabrication responsable de leurs produits ?
Elsa : Celle qui me semble la plus évidente c'est Ekyog. C'est vraiment une marque pionnière dans cette démarche éco-responsable et qui en plus réussit à perdurer. Elle utilise des tissus bio certifiés et cette vision éthique était vraiment son fondement.
Pour dégoter de jolies griffes de vêtements éthiques, il y a une plateforme géniale de références qui a été créée : SloWeAre. Je la conseille vivement pour toutes celles qui ont envie de s'habiller plus responsable mais avec de super petites marques tendance.

© La Textilerie

Informations pratiques

  • Adresse : 22 rue du Château Landon 75010 Paris
  • Accès : métro Louis Blanc, Gare de l'Est ou Gare du Nord
  • Jours et horaires d'ouverture : du mardi au vendredi de 11h à 19h30 et le samedi de 10h à 19h30
  • Téléphone : 01 40 35 77 14
  • Contact mail : contact@latextilerie.fr
  • Site internet : www.latextilerie.fr