Le 29 avril 2008, le ministre de l'Éducation nationale, Xavier Darcos, a présenté
lors d'un discours la version finalisée de ses nouveaux programmes de l'école
primaire. Le discours intégral.
Seul le prononcé fait foi
"Mesdames
et Messieurs les Journalistes,
Il y a près d'un an, le Président de la République me confiait la charge de ce
ministère, avec pour mission de lutter contre l'échec scolaire, et notamment l'échec
scolaire des plus jeunes.
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Le ministre de l'Education Xavier Darcos ©
Ministère de l'Education nationale
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"Je veux une école plus juste, plus ambitieuse
et plus réaliste dans ses objectifs" |
Il y a plus de six mois, j'engageais une réforme profonde de l'organisation
de l'école primaire autour d'un socle de 24 heures communes à tous les élèves,
auxquelles s'ajouteraient 2 heures de soutien personnalisé pour les élèves
en difficulté. D'autres éléments ont complété ce dispositif, comme la mise en
place, dès la rentrée prochaine, de deux heures d'accompagnement éducatif dans
toutes les écoles de l'éducation prioritaire, mesure qui sera étendue à toutes
les écoles dès la rentrée suivante ; ou encore la mise en place durant les vacances
de stages gratuits de remise à niveau pour les élèves en difficulté des classes
de CM1 et de CM2, que nous venons d'expérimenter avec succès. Avec l'ensemble
de ces mesures, c'est une nouvelle école qui se dessine, une école qui a la même
ambition pour tous ses élèves, mais respecte leur rythme d'apprentissage, sait
reconnaître leurs difficultés et trouve le temps de les résoudre. Or une telle
école a aussi besoin de repréciser quelles sont les connaissances qu'elle se donne
pour objectif de transmettre à tous les élèves.
Il y a deux mois, par conséquent, je vous présentais le texte provisoire
des nouveaux programmes de l'école primaire et je vous indiquais mon intention
de les proposer à la consultation des enseignants, des familles, et, plus
généralement, de tous ceux qui voudraient bien s'assurer qu'ils répondent
effectivement aux attentes légitimes des Français, celles d'une école à la
fois plus juste, plus ambitieuse et plus réaliste dans ses objectifs.
"L'école primaire ne parvient plus aujourd'hui
à faire diminuer l'échec scolaire" |
Il me semblait donc que, près d'un an, plus tard, plus personne ne pouvait
ignorer ma volonté de revoir profondément le fonctionnement de l'école primaire.
C'était une erreur ! Car, par un curieux paradoxe, plus ces mesures sont connues,
plus on s'ingénie à dénoncer leur opacité. Plus elles sont progressistes et plus
on les accuse d'être réactionnaires. Plus elles sont modernes et plus on les taxe
d'être libérales. Plus elles sont populaires, plus on réprouve leur caractère
prétendument populiste. Bref, plus l'école avance, plus le parti du statu quo
s'affole.
On me dit que les programmes rédigés entre 1998 et 2002 n'avaient pas encore
fait leur preuve. Comme s'il fallait encore sacrifier quelques générations scolaires
de plus pour avoir l'assurance définitive de l'échec d'une certaine pensée scolaire
! Cette pensée, celle du pédagogisme, nous la connaissons bien et nous en connaissons
surtout les effets. Car l'école primaire ne parvient plus à faire diminuer l'échec
scolaire qui touche les 15% des élèves qui entrent chaque année au collège avec
de graves lacunes en lecture, en écriture ou en calcul. Elle assiste, impuissante,
à la reproduction des inégalités sociales puisqu' à la fin du CM2, on observe
que 3% seulement des enfants d'enseignants et 7% des enfants de cadres ont redoublé
au moins une fois alors que 21% des enfants d'employés ou d'ouvriers et 41% des
enfants d'inactifs sont dans ce même cas. Ces difficultés se traduisent directement
dans le recul de notre système éducatif dans les classements internationaux, notamment
dans l'enquête PIRLS qui évalue les compétences en lecture des élèves âgés de
10 ans et dans laquelle la France ne se situe, parmi les pays de l'Union européenne,
qu'en fin de classement, devant la Slovénie, la Pologne, l'Espagne, la Belgique
francophone et la Roumanie.
On me dit que si nous en sommes là, c'est parce que l'école a manqué de
moyens : or, nous avons recruté, en 20 ans, 12 000 enseignants supplémentaires
tandis qu'elle perdait 200 000 élèves. On me aussi dit qu'il faut relativiser
les enquêtes internationales ; prenons alors une enquête française, qui établit
que les écoliers de 2007 font deux fois plus de fautes que ceux de 1987 sur
le même texte de dictée.
"Les écoliers de 2007 font
deux fois plus de fautes que ceux de 1987 sur le même texte de dictée" |
On me dit que ces nouveaux programmes ont été élaborés sans concertation, qu'ils
n'ont pas été assez amplement diffusés, examinés, discutés. Or en deux mois, ce
sont près de 1 100 synthèses qui m'ont été adressées à partir de la consultation
que nous avons organisée auprès des 380 000 enseignants qui se sont réunis lors
d'une demi-journée banalisée, spécialement consacrée à cet examen. La page Internet
dédiée à ces nouveaux programmes a reçu près de 49 500 connections et 5 500 internautes
nous ont adressé leurs commentaires. Conformément à l'engagement que j'avais pris
devant vous, je les ai soumis à l'avis de la commission des affaires culturelles,
familiales et sociales de l'Assemblée nationale, et de la commission des affaires
culturelles du Sénat qui m'ont fait part de leurs avis. Enfin, et pour que la
transparence et l'objectivité soient totales, j'ai décidé de publier le résultat
de l'enquête quantitative réalisée par l'institut TNS-SOFRES à partir d'échantillons
représentatifs de la population française, résultat d'ailleurs très positif puisque
81% des parents interrogés sont favorables au recentrage sur les apprentissages
essentiels en français et en mathématiques proposé par les nouveaux programmes.
Alors à mon tour, je le demande : en quoi le temps des comités d'experts, parfois
auto-proclamés, toujours auto-désignés, était-il plus juste ou plus démocratique
que cette consultation ouverte et transparente de l'ensemble des acteurs concernés
de près ou de loin par ces nouveaux programmes ?
On me dit, en somme, que les programmes sont une affaire d'experts. Je
réponds, moi qui ai été le premier expert de cette maison lorsque j'étais
le doyen de l'Inspection générale de l'Education nationale, que les programmes
sont l'affaire de la Nation tout entière et que cette responsabilité incombe
d'abord au politique.
"J'ai fait le choix d'un recentrage sur
les enseignements essentiels" |
Car c'est bien en responsable politique, et non en idéologue que j'ai présidé
à la rédaction de ces nouveaux programmes. J'assume donc le choix d'un texte plus
court, plus lisible, plus efficace, car ce choix correspond au mandat que le Président
de la République a reçu des Français et qu'il m'a demandé de mettre en oeuvre.
Je comprends, naturellement, que ce texte suscite des interrogations, car il marque
une rupture assez nette avec les textes précédents, des textes dont l'ambition
était sans doute sincère, mais qui restaient marqués par l'idéologie, l'emphase,
et l'abstraction.
J'assume aussi les choix pédagogiques qui ont guidé la rédaction de ces nouveaux
programmes : le choix de la liberté pédagogique, qui consiste à s'interdire toute
prescription de méthode dans la rédaction des programmes, pour mieux mettre en
évidence ce qui devra être connu des élèves à l'issue de chaque année et de chaque
cycle. Le choix d'un recentrage sur les enseignements essentiels, qui est indispensable
pour permettre aux élèves d'accéder aux autres champs du savoir : c'est le choix
qu'ont fait avant nous la plupart des grands pays européens. Le choix de progressions
annuelles annexées aux programmes et qui permettent aux enseignants comme aux
familles de prendre la mesure des progrès réalisés et du chemin qui reste à parcourir.
Pour autant, ces nouveaux programmes ont été enrichis grâce aux remarques
qui nous ont été adressées par les enseignants, les familles ou les personnalités
qualifiées qui ont été consultées. Sans empiéter sur la présentation détaillée
des résultats de la consultation que vous proposera le Directeur général
de l'enseignement scolaire dans un instant, je voudrais tout de même prendre
trois exemples qui illustreront la façon dont nous avons pris en compte les
remarques qui nous ont été faites.
"Ces nouveaux programmes devront être évalués
aux résultats" |
Les enseignants étaient nombreux à demander une référence plus explicite au
socle commun défini par la loi du 23 avril 2005. Nous avons fait apparaître explicitement
les sept grands domaines de compétences de ce socle. Ils s'interrogeaient aussi
sur le déséquilibre entre la réduction de l'horaire hebdomadaire général et l'ajout
d'une heure de sport en plus. En accord avec le Président de la République, j'ai
proposé que cette heure de sport supplémentaire soit proposée aux élèves dans
le cadre de l'accompagnement éducatif, et non plus dans le cadre de l'horaire
scolaire proprement dit. Ils demandaient des précisions sur l'horaire qui devait
être consacré aux différents apprentissages. J'ai fait figurer dans les nouveaux
programmes l'horaire hebdomadaire qui devait être consacré au français et aux
mathématiques, et l'horaire annuel qui devait être consacré aux autres apprentissages,
une évolution qui répond aussi à la demande du Sénat.
J'ai tenu compte, également, de l'avis de l'Académie des sciences qui demandait
que l'approche expérimentale et le rôle de la démarche d'investigation développé
dans l'esprit de la Main à la pâte soit clairement souligné dans les programmes.
Enfin, les parents comme les enseignants s'interrogeaient sur la précocité
de certains apprentissages. Je les ai entendus, en précisant que la découverte
des lettres à l'école maternelle ne devait pas s'apparenter à un apprentissage
précoce de la lecture, en rappelant que la division étudiée au CE1 ne devait s'appliquer
qu'aux divisions par 2 et par 5 dont le produit était un nombre entier et en replaçant
l'apprentissage du passé antérieur, dont l'usage est presque exclusivement littéraire,
au collège.
J'ai dit que ces nouveaux programmes devraient être évalués aux résultats.
Dès l'année prochaine, une double évaluation sera mise en place au CE1 et
au CM2. Elle servira de point de repère pour mesurer les progrès des élèves.
J'ai demandé en outre aux inspecteurs de l'éducation nationale d'inspecter
le degré de maîtrise des connaissances par les élèves plutôt que les méthodes
employées par les enseignants pour y parvenir. Je connais trop la qualité
des enseignants pour maintenir un système d'inspection fondé sur la défiance.
Je crois à la faculté de tout enfant à progresser, à son rythme, dans la
maîtrise des connaissances essentielles. Je voudrais qu'en affirmant cette
confiance dans le maître et dans l'élève, et en réhabilitant ce lien particulier
qui est au fondement de tout apprentissage, l'institution scolaire retrouve
elle aussi ce qui fait la grandeur de sa mission.
Je vous remercie.
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